L’Arbre
(drvo)

Un film de André Gil Mata

Avec Petar Fradelic - Ibro ; Filip Zivanovic - Ibro child ; Sanja Vrzic - Mother ; Arna - Pujdo (dog)

Portugal - 2018 - 104min - 5.1 - 16/9
Scénario et réalisation - André Gil Mata ; Producteurs - Joana Ferreira, Isabel Machado ; Directeur de la photographie - João Ribeiro ; Directeur sonore - António Figueiredo (Copi) ; Directeur artistique - Sandra Neves ; Assistant réalisateur - Paulo Belém

Sortie en salles : 26 mai 2021

Affiche -

4,00 10,00 

DVD du film -

16,00 

+ d'infos
PORTUGAL | 2018 | 1H44 | VOSTF | COULEUR | FORMANT IMAGE 1.66 | FORMAT SON 5.1

BONUS :
Interview du réalisateur, André Gil Mata, 35min, 2021 .
Premier court-métrage d'André Gil Mata, Arca d'Agua, 23min, 2009.
Bande-annonce : La jeune fille à l'écho, Jinpa, un conte tibétain et El Otro Cristobal

Dossier de presse du film

Au sein d’une obscurité qui rassure, où seuls les éclairs et le bruit des détonations témoignent de la présence lointaine d’une guerre, un vieil homme imperturbable traverse un pay- sage hivernal. Il porte sur ses épaules son « pilori » de bois, lui servant à transporter de l’eau.

Sur son chemin, il aperçoit un enfant près d’un feu, sous un arbre, sur une berge ; sur une berge, sous un arbre, un enfant qui fuit la guerre rencontre un vieil homme. C’est sur ce tapis de neige, à l’abri de l’arbre, que les temporalités se croisent, que les souvenirs ressurgissent et que la peur est partagée, avec pour seul réconfort la chaleur humaine.

” L’Arbre, qui aurait pu verser dans le misérabilisme du sujet ou la morgue formaliste, échappe à l’un et à l’autre en rejoignant le territoire du conte. S’ouvrant sur l’image songeuse d’un enfant qui dessine sur la buée d’une vitre face à un village enneigé, il semble tout entier échappé d’un rêve.”
Le Monde

” La réalisation fait la part belle à la nature, à des plans fixes, dans lesquels l’homme s’insère, puis disparaît. On peut trouver le résultat hypnotique, ou rester extérieur à cette ode radicale à la lenteur.”
Télérama

” Symptôme probable d’un certain formatage mondial du cinéma : il est de plus en plus agréable de se retrouver devant un film dont on aurait beaucoup de mal à déterminer d’où il est sorti pour arriver parmi nous, et de quelle époque il date.”
Cahiers du Cinéma

” L’envoûtante circulation du vieil homme, puis du garçon, évoquent sans doute le grand art de Béla Tarr, mais l’usage des couleurs, des matières, des mille nuances de la nuit sont bien d’André Gil Mata et de lui seul. Et la composition en grandes boucles où des motifs se répondent, et où la caméra semble sculpter le temps et le sens, ne doit rien à personne. “

SLATE

” Une expérience de cinéma totalement spirituelle et philosophique qui convoque tous les sens du spectateur. Proprement envoûtant et d’une prodigieuse intelligence. ”
Avoir-Alire

” L’Arbre (DRVO) d’André Gil Mata m’a beaucoup fait réfléchir, il m’a fait admirer ce que je voyais et m’émerveiller devant l’avenir du cinéma lent. Mata fait partie d’un nombre croissant de nouveaux réalisateurs très talentueux de films lents qui m’emplissent le cœur d’une joie (lente). Qui plus est, L’Arbre est un film inoubliable qui rend hommage à ses prédécesseurs, une œuvre unique qui lève son chapeau devant des in fluentes personnalités “lentes” tout en creusant son propre sillon. L’avenir du cinéma lent parait radieux !” Nadin Mai – The Art(s) of Slow Cinema Issue 02

Récompenses

Prix du meilleur réalisateur – IndieLisboa

Meilleure fiction Compétition Internationale – Lima Independiente

Prix de la meilleure photographie – Caminhos do Cinema Português

Interview d'André Gil Mata

L’Arbre, des racines à la cime.

D’où vient l’idée du film ?
Une des images les plus fortes que j’ai vues était celle des enfants qui allaient chercher de l’eau sous le feu des snipers. L’idée est venue de cette image, quelqu’un qui ne croit plus en l’humanité mais dans un état d’esprit de survie quotidien, se réveille tous les jours et fait ce qu’il doit faire.
Les gens qui font face à des moments aussi difficiles se rapprochent. Je pensais au petit rôle de ce type dans la société, ramasser les bocaux et les remplir d’eau pour ses voisins devient un devoir commun.
Je ne donne pas dans la philosophie. C’est juste une image qui me vient à l’esprit et que j’ai envie de montrer. Les maisons que l’enfant regarde pendant qu’il dessine sur la vitre. Quand j’étais petit je dessinais tout le temps sur les carreaux. Je voudrais que celui qui regarde ressente la solitude de la mère et de l’enfant, l’absence du père qui est à la guerre. Et je ne veux pas le dire avec des mots, mais trouver un moyen de vous faire ressentir par vous-mêmes la paix et le temps, vous inciter à réfléchir librement par le lm. Avec un dialogue, j’aurais pu donner cette information en une seconde, mais le temps est la seule chose capable de créer une véritable pensée. Dans la vie, on parle beaucoup mais si nous étions plus silencieux nous pourrions penser davantage et ce que nous dirions aurait plus de portée.

Pouvez -vous nous parler de la temporalité du film ?
Je ne crois pas que le temps soit linéaire. Les calendriers nous préoccupent trop et demain est un autre jour – notre esprit est formé à penser d’une certaine façon.
J’ai trouvé un moyen de passer d’un temps à l’autre en faisant suivre à la caméra un chemin en U. La caméra était placée devant la fenêtre, depuis le point de vue de l’enfant, et reculait dans la pièce. Puis elle se déplaçait le long du mur extérieur avant de revenir à l’intérieur. L’équipe s’inquiétait pour ce plan.
Je voulais que les pièces semblent identiques, mais avec beaucoup de choses absentes, parce qu’au cours des années de guerre, ils avaient dû brûler des meubles pour se chauffer. L’équipe disait que ça ferait croire que c’était la maison du voisin. Moi, je ne voulais que rien n’indique que c’était la même maison.
Il y a une impossibilité du rituel lorsque le temps cesse d’être vécu, ou encore d’être ressenti. Néanmoins dans les récits des gens de cette époque, de leurs expériences, de leurs souvenirs durant cette guerre monstrueuse, il y avait un côté très ritualisé chez eux. La routine les maintenait en vie. Il y a un côté sombre dans le lm parce que c’est le reflet et des sentiments que j’ai eu pendant que je vivais à Sarajevo. Je pense vraiment que la vie est noire avec quelques points lumineux. C’est pourquoi le lm est sombre et je pense qu’il est difficile aujourd’hui de faire un lm lumineux. Il est noir et froid comme la neige.
La lumière, provient de l’espoir de ceux qui nous entourent, de ceux qu’on aime ; cette flamme qui nous réchauffe, comme une bulle qui nous rassure, un placenta dans lequel nous nous blottissons quand il n’y a plus rien. Dans ces moments là, le temps cesse d’exister, seul le présent existe.

Votre film est très visuel et sensoriel. Quelle a été votre approche de travail ?
L’image qui m’intéresse est une image totalement obscure que l’on peut ensuite éclairer, a n de montrer ce que l’on souhaite et laisser dans le noir ce qu’on ne veut pas. C’est le seul moyen de créer un monde à soi, au cinéma et je suis convaincu que nous avons le devoir de créer un monde personnel dans un film. Je crois aussi pouvoir dire que c’est une chose en laquelle croient Joao Ribeiro (le directeur de la photographie) et Sandra Neves (la directrice artistique), et qu’ils la ressentent, à leur façon, bien entendu. C’est donc toujours un travail d’équipe. Une chose à laquelle je tenais principalement, c’est que «le danger» soit toujours suggéré, soit par le son soit par la lumière. L’obscurité peut être véritablement synonyme de paix, davantage que la lumière.
Je trouve que lorsqu’on filme sur pellicule, on acquiert une tech- nique dont il est très difficile de se défaire quand on filme en numérique. Évidemment, le numérique permet certaines choses, par exemple laisser tourner la caméra pendant une heure, ce qui est impossible autrement. Mais la pellicule crée une relation avec la matière qui apporte de la plasticité, des impressions chromatiques et sensorielles impossibles à obtenir avec le numérique. Et puis ces caméras 2K ou 4K donnent une curieuse haute définition qui, pour moi, fait que tout semble pareil. Aussi je pense que ce que nous recherchions dans la matière ne pouvait être obtenu qu’avec la pellicule.

Pourriez-vous nous parler de vos influences picturales ?
On s’est appuyé sur de nombreux peintres et cinéastes. Tout le monde a apporté, à sa façon, des inspirations plastiques. Joao arrivait toujours avec des reproductions de tableaux qui lui venaient à l’esprit pendant la lecture du scénario. C’est stupéfiant le travail qui se fait de cette manière, il arrive qu’on échange davantage en regardant qu’en parlant. J’ai mes préférences, moi aussi, j’aime énormément Van Gogh. Pour les films, La Nuit du chasseur nous a beaucoup inspirés.
J’aime vraiment les réalisateurs capables de construire un décor à partir d’une idée. Les adaptations de Dickens faites par David Lean nous ont énormément inspirés également.
Parmi les artistes yougoslaves, Trois de Petrovic est l’un des plus beaux films que j’aie jamais vu, sa façon de travailler sur le son est incroyable. Dusan Makavejev, Zivojin Pavlovic, Ante Babaja sont des cinéastes qui devraient gurer dans l’Histoire du cinéma, de la même façon que Antonio Reis ou Margarida Cordeiro. Je pense que ce sera un jour le cas.
J’adore évidemment Wiene, Murnau et Lang, même si nous n’en avons pas conscience, ce sont des références pour nous tous réalisateurs, des maîtres qui ont donné une nouvelle direction au cinéma, à l’époque. Pour moi, Murnau est le cinéaste le plus important de l’histoire du ciné- ma et un avant-gardiste. Nosferatu et L’Aurore sont sans doute les plus beaux films du monde.
De même pour L’Aurore, bien sûr, il se passe beaucoup de choses, mais ce n’est pas ce qui est important – le cinéma a toujours été une question de gestes. Si vous mettez plus d’actions ou d’histoire dans un lm, vous dis- trayez le spectateur de ce qui compte. En regardant Sarajevo, vous avez déjà tant de couches d’Histoire devant vos yeux. Portant ses bouteilles, l’homme est très petit à côté de toute la nature qui l’entoure. La simplicité et la concentration singulière de sa tâche paraît minuscule mais elle est néanmoins dangereuse et vitale.

Comment avez-vous dirigé les acteurs ?
Peter et Philip ne sont pas des acteurs. Peter est le père d’un de mes amis bosniaque, Philip est le fils d’un ami d’amis bosniaques et je pense que c’est surtout ce qu’ils sont dans la vie qui les éclaire d’une façon particulière. C’était important pour moi qui ai passé beaucoup de temps à Sarajevo. La ville et les gens m’ont beaucoup apporté. Les impressions que j’ai essayé de créer dans le film sont reliées à cette période, pour la plupart du moins. Ce film est ancré dans ce lieu. Les plans étaient fixés à l’avance, avec toutefois une ouverture sur la façon dont les personnages « danseraient » avec la caméra, ainsi rien n’était figé.

Diriez-vous que votre film est une chanson de silence et de sons ?
Le silence prend trop de place quand on est seul. La rencontre est un instant béni pour l’homme et pour l’enfant. Ils ont besoin de se trouver. Ils ont besoin de parler, de dire leurs peurs, de ne plus se sentir seuls. Parfois un mot peut apporter plus de chaleur que n’importe quoi d’autre, mais on doit respecter le silence.
Il n’est pas question de détourner l’attention du sujet principal et cet homme représente bien plus qu’une seule personne. J’ai toujours voulu que Peter ait un chien. J’ai eu deux chiens auxquels je tenais beau- coup et quand ils sont morts j’ai décidé de ne pas en prendre d’autre parce que c’est trop douloureux. Le chien est plutôt une ombre de lui- même. Je voulais me servir du son pour créer quelque chose au-delà du cadre que vous pouvez imaginer, pour vous donner une idée de ce qui se passe. Je déteste les figurants. Je n’aime pas que des gens traversent le cadre pour faire comprendre qu’on se trouve dans un restaurant. J’avais juste besoin de faire figurer la mère afin de faire savoir ce qui compte le plus au monde pour l’enfant, parce que c’est pareil pour moi.
Au cinéma, on peut utiliser le son pour apporter au spectateur quelque chose que l’image ne peut pas lui apporter. Seul ce qui doit être dans le cadre s’y trouve. Travailler sur le son peut être un vrai bonheur et c’est incroyable ce qu’on arrive à faire.

Les possibilités dont on dispose sont in nies. Je ne m’intéresse pas beaucoup au son qui permet seulement d’entendre ce que l’on voit déjà. Je suis persuadé qu’il est possible de créer de multiples sensations différentes par les sons, dans un seul moment.
Ça a été difficile parce que j’avais commencé à travailler le montage son avec quelqu’un qui n’arrêtait pas de faire des réflexions du genre : « On ne peut pas faire ça parce qu’il est trop loin pour qu’on l’entende respirer.» Je ne comprenais pas cette façon de travailler. Pour- quoi ne pouvait-on pas l’entendre ? On peut décider de ce qu’on peut entendre ou pas. C’est là que se trouvent la magie et la beauté. On peut vraiment rendre les choses plus complexes a n de rendre les sensations plus complexes, plus ouvertes, pas comme si c’était une grande équation mathématique. Et parfois avec des sons très simples. Par chance, j’ai trouvé Rafael Cardoso avec qui j’ai travaillé sur des sons que Copi (Antonio Pedro Figueiredo) avait enregistrés pendant le tour- nage et avec lesquels on a joués. Le son peut créer une image qu’on n’a pas filmée, mais quand on regarde, on a l’impression que cette image existe grâce au son. Le son et l’image peuvent aller ensemble mais peuvent aussi suivre un chemin opposé et c’est là qu’est la beauté.