Et les lâches s’agenouillent…
Un film de Guy Maddin
Cowards Bend the Knee - 2003 - 1h00 - Noir & blanc
Sortie en salles : 29 décembre 2004
BONUS DVD :
-Livret 20 pages
-Versions longues des courts métrages "Sissy Boy Slap party" et "Sombra Dolorosa", "Love-Chaunt Workbook" : 4 segments d’un film perdu de Guy Maddin,
-Extraits des autres films de Guy Maddin
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universcine.comLa vie fantasmée de Guy Maddin.
Guy Maddin, demi des Maroons, l’équipe de hockey-sur-glace de Winnipeg, est en proie à des forces qu’il ne peut contrôler, des forces qui n’ont de cesse de l’empêcher d’être un bon fils et un bon mari. Tout basculera lorsqu’il rencontrera Meta, jeune fille dont il tombe instantanément amoureux et dont l’unique obsession est de se venger de sa mère qui a assassiné son père adoré. C’est avec la complicité du médecin de l’équipe des Maroons qui doit greffer à Guy les mains précieusement préservées de son père, qu’elle espère assouvir cette vengeance.
En avant programme: les deux derniers courts métrages de Guy Maddin: “sissy-boy slap-party” et “sombra dolorosa”.
La presse
Libération: “Et les lâches s’agenouillent…” comblera les fans de Guy Maddin, en pleine repossession de ses moyens esthétiques. Sa relecture en Super8 du cinéma muet, sous influence du David Lynch d’ “Eraserhead”, fait ici merveille; tout comme son mélange de fond tragique et de piques comiques.
Les Inrockuptibles: Si habituellement Maddin prenait un malin plaisir à déboussoler ses spectateurs en les plongeant dans les méandres d’un récit lacunaire et lacéré, il s’astreint ici à une narration quasi-classique, sur un sujet réminiscent des “Mains d’Orlac”. “Et les lâches s’agenouillent…” ressemble fort à l’idée que l’on se fait du chef-d’oeuvre selon Maddin.
Le Monde: Il y a chez Maddin une élégance spontanée dans la mise en scène qui lui permet de retrouver avec des moyens dérisoires la splendeur du cinéma d’autrefois. Cette sûreté dans l’expression lui permet de toucher à des domaines qui restent hors d’atteinte de cinéastes plus rationnels.
Première: Un chef-d’oeuvre d’autobiographie sous acide dans lequel se dégage une poésie unique et vénéneuse .
Studio: Prisé par Cronenberg, le Canadien Guy Maddin poursuit l’élaboration d’une oeuvre singulière, explorant la déviance sexuelle ou la folie dans un style surréaliste et gothique assez captivant.
Le Nouvel Observateur: Une tragédie sexuée et obsessionnelle, radicale et subjuguante.
L’Humanité: Du cinéma pur, du pur cinéma.
Mad Movies: Si vous êtes fâchés avec la standardisation de l’imagerie cinéma, courez voir ce film qui vous réconciliera avec le septième art.
En ville: Vous finirez par succomber de toutes façons à ce cinéaste unique, au croisement de Lynch, Cocteau et Bunuel.
Interview
D’où vous est venue l’idée d’écrire votre autobiographie ?
Mon intention était à l’origine étrangement commerciale. Certaines personnes critiquent mes films parce qu’ils ne sont pas narratifs. D’autres me complimentent : “j’aime tellement l’absence de narration dans vos films”. Entendre cela a toujours été pour moi une source de frustration. Georges Toles et moi avons alors décidé de travailler dur afin d’introduire des éléments narratifs dans les scénarios, nous avons lu des milliers de livres, et nous nous prenons désormais à penser que nous connaissons la signification du mot “narration”. En commençant Et les lâches s’agenouillent… je me suis dit: “Nom d’un chien, je vais écrire une histoire que les gens pourront comprendre, une histoire qui tient debout”. J’ai lu les tragédies grecques, notamment “Electre” et “Médée”, et j’ai pris les prémisses de ces histoires immortelles. J’y ai agglutiné des éléments purement autobiographiques, des choses qui comptent pour moi, des choses qui me préoccupent depuis quelque temps, d’autres qui m’obsèdent depuis longtemps, des désirs longtemps gardés secrets. J’aime glisser tout ça dans mes films. Et avant que je prenne conscience de quoi que ce soit, j’avais une histoire autobiographique à 99%. La structure originale des tragédies d’Euripide ressemble tellement à ma vie… Les intrigues y sont ingénieuses, elles décrivent la vie de chacun à un moment ou un autre. C’est d’ailleurs peut-être ce qui les rend éternelles. Je n’avais plus qu’à me débarrasser du peu de ce qui restait d’Euripide pour me retrouver avec une espèce de condensé de ma propre existence.
Ceci mis à part, j’ai façonné l’histoire comme à mon habitude, incluant uniquement des éléments psychologiquement authentiques. Peu m’importe si les épisodes qui composent mes histoires paraissent bizarres, stupides, fous ou gratuits. Moi seul connaît ma propre vérité psychologique.
Vous parlez à propos de ce film de “pure autobiographie”. Cela signifie-t-il que vous pouvez y identifier les événements de votre propre vie, épisode après épisode, au sens littéral?
Je voudrais insister sur le fait que j’ai véritablement vécu chaque épisode du film. Que ce qui figure sur le catalogue de l’installation et ce qu’on peut voir à travers les dix œilletons est le fidèle reflet de ma vie. On pourrait juste arguer que certains moment manquent de violence.
Ceci étant dit, il faut garder à l’esprit qu’une autobiographie, même à 100% authentique, doit néanmoins être transférée sur l’émulsion de la pellicule puis projetée au travers d’une lentille. J’ai dû réfracter chaque épisode à travers un prisme qui les divise et transforme les personnages en leurs parties élémentaires, comme les couleurs de l’arc-en-ciel. Et comme il s’agit du prisme qui regarde ma vie, je l’ai soigneusement éxaminé et y ai laissé des traces de doigts. Je l’ai tellement manipulé que tout est devenu flou et vaporeux.
D’autre part, comme il s’agit de souvenirs, je me sens obligé de les présenter dans l’ordre dans lequel ma mémoire les visite. Je considère mes souvenirs comme une prolongation de mon système nerveux. Ils sont capricieux, certains font la course, les uns me frappent avant les autres, souvent dans le désordre. Certains souvenirs doivent être visités deux, trois, quatre ou cinq fois dans l’intervalle de quelques secondes pour être réellement appréciés, ou pour me procurer une espèce de frisson masochiste détestable. Donc, oui, j’ai vécu chacun des événements de ce film, et précisément de la manière dont vous pouvez les voir à l’écran. Et si je devais présenter de nouveau mon autobiographie, ce serait avec la même authenticité et pourtant d’une manière totalement différente.
Filmer votre vie, était-ce la revivre ou vivre quelque chose d’autre?
C’est une question qui demande une réponse très longue. Ma mère se remet d’une opération du genou, elle est vieille et j’allais la voir lorsqu’elle était à l’hôpital, contrairement au personnage de mon film. Un jour je lui ai lu une histoire qu’il y avait dans le journal. Il s’agissait d’une histoire incroyable d’une vieille femme marocaine, semblable à ma mère, qui avait donné naissance à un bébé pierre en 1956, l’année de ma naissance. Sa grossesse extra-utérine avait mal tourné, ce bébé s’était calcifié et transformé en ce qu’ils ont appelé un “bébé de pierre”.
Vous lisiez “The National Enquirer” ?
Pas du tout. Il s’agit d’une histoire vraie, vous pouvez consulter les archives. Les médecins ont fait une césarienne et cette femme a accouché d’un bébé de pierre de 3,5 kilos, qui mesurait 20 cm, et qui a exactement mon âge. J’ai la sensation que je dois entamer une correspondance avec ce bébé afin de lui raconter ce qu’il a manqué pendant tout ce temps qui correspond exactement à celui de ma vie. Ou que c’est à moi que cela aurait pu arriver. Ou, mieux encore, que ce bébé de pierre c’est moi.
Mais Dieu soit loué, j’étais à l’hôpital, comme un nouveau-né, tout près de ma mère. J’aime ce bébé de pierre, mais ça me fait froid dans le dos de penser qu’on a le même âge. Il aurait pu naître comme moi l’année où Don Larsen a mis au point sa technique imparable au cours du championnat de base-ball. Alors que j’étais assis par terre devant la tv à le regarder jouer, je suppose qu’au Maroc cet enfant n’aurait certainement pas suivi le championnat.
Les histoires d’univers parallèles ou de portes coulissantes ne m’intéressent pas, mais cette intersection me semble être quelque chose qui se réfracte accidentellement à travers un prisme fracturé. Quand je lis “L’Encyclopédie du base-ball”, je regarde toujours quand sont morts les joueurs, juste pour voir si je ne serais pas par hasard la réincarnation d’un d’entre eux. Je n’ai trouvé que quelques joueurs polyvalents peu doués. Peut-être un grand joueur naîtra-t-il le jour de ma mort et qu’il le retrouvera.
Je suis constamment à l’affût de ces petites choses obliques, et j’étais conscient de cette attirance pour les coïncidences et les intersections lorsque je faisais ce film. Mais je n’oserai jamais penser que qui que ce soit ira chercher à décoder ces choses-là. Si je les mets dans mes films, c’est juste pour mon plaisir personnel.
Il semble que vous vous soyez bien amusé lors du tournage…
Tourner n’est pas quelque chose que j’affectionne tant que ça, mais je dois avouer que j’aime ce sentiment de malice que procure le fait de faire des intersections avec ma propre vie, puis de regarder jusqu’où va le ricochet. C’est parfois vrai que l’intention de l’auteur n’est qu’une science inexacte. Ça me rappelle la manière dont Batman, interprété par Adam West, résolvait les énigmes du Riddler. Il allait s’asseoir sur un rebord de fenêtre avec chacun des jeux de mots jusqu’à ce qu’il arrive à une conclusion grotesque dont chacune était basée sur le fait qu’une hypothèse plausible est 100% juste. Il assemblait alors cette planche de vingt hypothèses fragiles qui s’enchaînaient. Peut-être suis-je coupable de faire la même chose quand j’emboîte tous les personnages réfractés pour découvrir la source de lumière originelle dans ma propre existence.
Par exemple, puisqu’il s’agit d’une autobiographie, il est étrange que la personne qui m’est la plus chère au monde, à savoir ma fille, n’y apparaisse jamais. Ce n’est que plus tard que j’ai réalisé, et je ne pense pas que ce soit une de ces choses à la Batman, qu’il n’y a rien de plus horrible pour moi que d’imaginer que ma fille, née d’une grossesse non désirée, ait pu finir en fœtus avorté. Il m’est impossible de penser à un prémisse plus terrible. C’était ma connexion. J’essayais de penser à la circonstance la plus épouvantable dans laquelle un type peut larguer une fille. C’était une occasion étrange et inconsciente d’ignorer la personne que j’aime le plus mais j’ai réalisé que justement, ce qui rend la situation si cauchemardesque pour moi vient de son absence. Le film sculpte un espace autour d’un fœtus géant, et il n’est pas de pierre, c’est une âme charmante. Je ne cherche pas à faire de l’auto-glorification, à donner l’impression d’être plus sensible que je ne le suis, mais dans le monde de Et les lâches s’agenouillent…, les pères sont loin d’être des exemples. Et si je ne revendique pas d’être un père parfait, je relève juste l’évidence : j’aime ma fille. C’est à elle qu’il faut demander si je suis ou non un bon père. De la même manière, presque toutes les personnes de mon entourage sont présentes dans mon film, même si c’est parfois par leur absence.
Comment doit-on voir la relation entre le personnage principal et son père, qui est lourde de sens quand on sait que vous étiez jeune quand votre père est mort ? Il y a là une dynamique curieuse qui prend, parmi tant d’autres, des tours de rivalité sexuelle.
Après avoir décidé qu’il s’agirait d’une autobiographie éhontée, je me suis senti comme un dieu avec un petit “d”. Je me suis permis d’accorder des dons aux membres disparus de ma famille, des dons auxquels ils n’ont même certainement jamais pensé de leur vivant. J’aime mon père encore aujourd’hui, même s’il est mort depuis 25 ans. C’était plutôt un homme faible et jamais il n’aurait pris la femme d’un autre, jamais la pensée de se comporter d’une façon minable ne l’aurait effleuré. J’ai le sentiment aujourd’hui qu’il a dû beaucoup le regretter. Je me rappelle avoir voyagé avec lui quand j’étais adolescent (il était borgne et j’aurais tellement voulu trouver quelqu’un avec un œil de verre pour le film), il était malade et n’avait pas le droit de fumer. Je me rappelle m’être réveillé au milieu de la nuit dans une chambre d’hôtel pleine de fumée. Je voyais juste la braise de la cigarette et je l’entendais sangloter. J’ai tout d’un coup eu l’impression d’être dans une nouvelle de Kafka: ce bruit de mon père sanglotant dans le noir alors qu’il se tuait avec la fumée de sa cigarette. J’ai voulu d’une certaine façon lui offrir une impressionnante puissance sexuelle et un deuxième œil.
Il y a un autre père dans le film : Chas, qui est le père de Meta. Mon père s’appelait Charles. Il a ainsi fini d’une certaine façon coupé en deux. Je pense d’ailleurs que le père de Meta ressemble plus au mien. Mon tout premier film, The Dead Father, parlait d’un type qui en avait eu marre de sa famille. Il était mort, d’une certaine manière, et quand il n’était pas dans sa tombe, il vivait avec une autre famille, autre part. Une meilleure famille, qui ne lui tapait pas sur les nerfs. Il s’était juste éloigné de celle avec laquelle il n’avait plus envie de vivre. Je comprends ce changement d’humeur de son point de vue et je comprends la réaction d’un enfant. Je sais ce que ressent Meta parce qu’il y a un peu de moi en elle. Ce qu’il y a de plus étrange dans le film est que j’ai écrit une autobiographie dans laquelle le personnage qui me représente n’est pas moi.
Etiez-vous conscient de tout ça en écrivant le scénario? Tout ceci était-il planifié, ou s’agit-il du jeu du hasard dont vous avez pris conscience plus tard ?
Ce n’est qu’après un certain temps que j’ai commencé à me rendre compte de choses et d’autres, puis tout est devenu de plus en plus conscient. D’autres éléments étaient fixés d’emblée, comme ce qui concerne ma tante Lil. Elle s’occupait du salon de coiffure avec ma mère, elle a été ma deuxième mère. Tante Lil était une vieille fille douce tellement sereine et généreuse, une tante qui débordait d’amour pour ses nièces et ses neveux. La pureté faite femme. Ma mère était bien plus volatile et imprévisible. Elle est morte alors que je n’allais pas assez souvent la voir. J’étais trop occupé à faire ribote et je m’en suis toujours senti coupable. J’en ai donc fait consciemment un personnage semblable à Clytemnestre. J’ai pensé que je lui devais ce petit don post-mortem, juste pour lui donner un bref aperçu de cette vie, même si ce n’est que 25 minutes sur un écran. Qu’elle sache ce que c’est que de diriger un bordel en même temps qu’un salon de beauté, d’avoir des histoires d’amour, de se faire mettre avec le poing ou de se faire étrangler… Qu’elle vive toutes ces choses que je suppose elle n’a jamais vécues. Elle est née en 1901 et les gens disaient que son mari était mort pendant la Première Guerre. Ce qui veut dire qu’elle ne l’a jamais connu, qu’à 18 ans ses prétendants potentiels étaient tous enterrés sous les coquelicots des champs de Flandres. Elle était vieille fille à l’époque où ce mot voulait encore dire quelque chose.
Le moins qu’on puisse dire est que vous avez tendance à romancer le passé.
J’ai appris de mes amies qu’il est impossible de faire face à ma soif de nostalgie. Peut-être quelque copains pourraient-ils rivaliser, Ian Handford et John Harvey par exemple. J’éprouve le besoin de passer au tamis les vieilles cendres. En l’absence de preuve matérielle, je prends les rapports de deuxième, troisième et même de quatrième main et les fais tremper comme un sachet de thé maintes fois utilisé pour en extraire les plus minces senteurs nostalgiques. Alors, quand je m’accorde le droit de faire une autobiographie où défilent réellement des gens et des choses que j’exhibe devant des étrangers, je m’évanouis purement et simplement sous les flots d’émotion qui se déversent sur moi. Mais je garde tout ça en moi car je suis Islandais. J’aime à penser que chacun a eu une vie remplie des émotions les plus intenses, et je pense que l’enfance devrait toujours être remplie de toutes sortes d’horreurs et d’émerveillements. L’enfance de chacun est mythique et la mienne semble l’être au sens romantique du terme.
Parce que vous allez chaque hiver à Gimli vous baigner dans une toile de Caspar David Friedrich ?
Exactement. J’avais sept ans quand un de mes frères s’est suicidé sur la tombe de son amie. Quelque chose qu’aurait pu faire Kleist. On m’a expliqué son acte à moi, petit garçon de sept ans, de façon très romantique :”Cameron est allé rejoindre Carol”, et c’était en quelque sorte une belle histoire. Il y avait bien quelques larmes mais “il est allé là où il a envie d’être, et veux-tu prendre son lit ? Il est libre maintenant, alors je vais te border et on te réveillera demain matin pour ton émission à la tv”. Je suis donc allé me coucher ce soir-là, avec quelque chose d’un peu mieux que des visions de sucreries qui dansaient dans ma tête. Il y avait des tombes avec plein de fleurs, des cercueils qui s’envolaient pour se glisser dans un casier à côté d’autres tout aussi heureux.
Vous êtes en plein montage du film. Avez-vous une idée claire de la façon dont vous voulez y faire opérer la mémoire visuelle ?
J’ai l’idée générale en tête mais je ne sais pas comment chaque plan va y trouver sa place. J’aime la façon dont la mémoire se rappelle des choses, de façon non chronologique, sa capacité à jouer à saute-mouton. Certains événements sont évincés et d’autres, se répétant, peuvent être pleinement savourés; ou craints. Il s’agit d’une autobiographie et je voudrais donc que le montage suive le souvenir et non l’histoire. Etre assis dans un fauteuil confortable avec mes petites madeleines, me laisser porter dans un voyage avec des bosses d’accélération, des angles aigus, et plein de moments en chemin pour aller doucement et m’attarder sur certaines images, avec la liberté d’en esquiver d’autres. Je voudrais que le rythme varie, qu’il soit capricieux et nerveux, répétitif, qu’il déraille. J’aime beaucoup Martin Arnold, ce cinéaste viennois qui prend par exemple 18 secondes d’un film avec Mickey Rooney et Judy Garland et les étire en un film d’une quinzaine de minutes en répétant simplement de petits gestes jusqu’à ce que le moindre d’entre eux acquière une signification et qu’une nouvelle narration sorte de ces fragments insignifiants d’un film qui existe déjà. Ma façon d’opérer est similaire, mais moins obsessionnelle cependant, et avec, je crois, un but et un résultat différents. Je veux que ça fonctionne comme la mémoire, alors que Martin Arnold veut obliger le spectateur à se concentrer sur chaque chose (sur le visage de Rooney par exemple) pour qu’il les fétichise, jusqu’à obtenir quelque chose d’encore plus pornographique qu’une pénétration avec le poing.
En faisant des boucles et des répétitions, je cherche à accentuer le malaise sur le visage d’une personne ou l’importance de petites choses, juste parce que ça dure si longtemps. C’est quelque chose qui vient du cinéma expérimental mais je ne serais pas surpris que le cinéma commercial se mette à l’utiliser. Il semble qu’aujourd’hui ces petites boucles et répétitions, ces petits contretemps, soient appropriés. Comme s’ils faisaient partie du vocabulaire cinématographique depuis 1895.